Andrew Burmeister – SELF PORTRAITS

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« Le problème de l’identité ce n’est pas simplement un problème de la jeunesse. C’est un problème de toujours. Peut-être s’agit-il du problème. C’est le problème qui devrait hanter notre vieillesse, et quand il cesse de le faire, devrait nous dire qu’on est mort. »
Norman Maclean
Faire un portrait, prendre une photo, c’est le côté facile de l’autoportrait. C’est à la portée du premier venu. La difficulté c’est le soi. Comment l’artiste parvient-il à utiliser la photographie pour révéler quelque chose sur l’être ? Cette difficulté est amplifiée par les limites inhérentes à la technique. L’artiste doit utiliser un outil qui ne capture que les apparence extérieures et superficielles pour communiquer quelque chose qui se cache bien plus profondément dans l’être, sous la surface.

Quand j’étais étudiant en art, il y a quelques années, j’ai eu l’occasion de travailler sur un projet d’autoportrait-photo. J’ai tout de suite compris que me prendre en photo signifiait exposer toutes les limites de mon apparence physique. Après avoir admis que ce projet ne m’aurait pas posé de problème si j’avais eu l’apparence des personnes dont j’enviais le physique, j’ai pris la décision de les photographier elles. Je me suis dit qu’à défaut de montrer ce à quoi je ressemblais physiquement, mes photos révéleraient quelque chose de ma personne plutôt que de mon apparence. Le résultat fut une série soignée d’autoportraits idéaux, dont le but était de communiquer quelque chose de mon identité, c’est-à-dire, de l’image que j’ai de moi, de ma conscience de moi-même, ceci, tout en présentant des dualités universelles telles que le soi /l’autre, l’esprit/le corps, la jeunesse/le vieillesse.

J’ai pris de l’âge, je me sens mieux dans ma peau, et pendant ce temps, le projet a continué et perdure maintenant depuis plus de 25 ans. Inévitablement, il a évolué, et il est devenu un symbole puissant du pouvoir de la jeunesse et de la domination qu’elle exerce sur notre culture. Grâce à lui, je prends aussi un malin plaisir à revivre les opportunités manquées de ma propre jeunesse à travers mes sujets. J’ai fini par comprendre qu’être beau et avoir des abdos parfaits apporte son lot de difficultés, sans pour autant basculer dans le cliché qui consiste à dire que la beauté est une plaie. Au-delà de ça, j’ai aussi compris qu’au bout du compte, même avec mes cheveux gris et mes kilos en trop, je me sens de fait mieux dans ma peau que les jeunes gens que je photographie, qui, de plus en plus, sont soumis à la pression de devoir se conformer aux attentes que leur jeunesse leur impose.

Avec le temps, j’ai pris conscience que bien que ce soit l’envie et l’admiration physique qui m’aient d’abord poussé vers mes sujets, ce que j’apprécie maintenant bien plus, ce sont les échanges humains que ces séances de portrait occasionnent. D’une certaine façon, mon projet est devenu une performance, où l’art consiste à convaincre l’étranger de poser, créant ainsi une occasion pour deux personnes d’en apprendre un peu plus l’une sur l’autre. Je compare cela à la représentation dans les manuels scolaires de physique qui montre comment la course d’une boule de billard est modifiée par l’impact avec une autre boule. Les êtres humains vivent constamment ces interactions, mais les séances de portraits les rendent délibérées, et les photos qui en résultent deviennent les traces de ces rencontres.

Pour ces raisons-là, mon projet aborde aussi les notions de confiance et de nature humaine, en tout cas bien plus qu’une série d’autoportraits conventionnelle. Et bien que le succès que je rencontre me surprenne comme il en surprend d’autres, je me demande souvent si je serais prêt, moi, à participer à ce projet si un étranger m’approchait avec une proposition similaire.

En conclusion, ces photos sont une tentative d’exploration et de conservation de ce que je perçois comme beau, une perception basée entièrement sur ma propre histoire, mes propres expériences, et surtout, sur mon identité. Mon but c’est que ces photos forcent ceux qui les regardent à accéder à leur propre sens de la beauté, et, ce-faisant, à accéder à leur propre identité. Car, comme le remarque Norman Maclean, lorsque nous cessons de faire cela, nous cessons de vivre.

© All Right Reserved – Andrew Burmeister

Artist : ANDREW BURMEISTER| Title : Self Portraits (series)

Untitled Milan 2017

Photographie, Tirage Argentique / Photograph, Gelatin silver photography.
Kodak Tri-x film – Large format 4×5 camera

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